Mon dernier coup de coeur littéraire
Rien que le titre intrigue... Un magasin où l'on vend des suicides, c'est pas courant, c'est le moins qu'on puisse dire. On s'attend donc à un ouvrage d'un nouveau genre, où le sujet plutôt morbide à la base (...) serait traité avec décalage et humour, comme le laisse entendre la couverture jaune flashy et le sachet aux couleurs du dit magasin. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on ne va pas être décu.
J'ai littéralement dévoré ce bouquin et je l'ai même entièrement relu pour surligner au marqueur mes passages préférés, parce qu'il fait partie, de loin, de ce que j'ai lu de mieux ces dernières semaines.
Comme on est en droit de s'y attendre, le sujet est drôle, limite cynique et décalé. Un vrai bijou! Mais là où l'écrivain excelle, c'est qu' il nous offre, en bonus, une véritable leçon de vie. Oui, dans ce bouquin, mine de rien, derrière la légéreté ambiante, il y a matière à réflexion car à la manière d'un Sartre ou d'un Saint Exupéry, Jean Teulé nous offre ici un conte moderne emprunt d'une grande sagesse! Lorsqu'il est interviewé, l'écrivain confesse ne même pas s'être rendu compte de la dimension que pouvait prendre son ouvrage. Il est flatté qu'on voit dans son roman une fable avec des personnages un peu hardcore qui pourrait se terminer en point d'exclamation.
Le roman est atypique par sa forme mais aussi par son contenu puisqu'il sagit de raconter la vie de commercants un peu particuliers, qui vendent des outils pour se suicider et qui vont être rapidement confrontés à un élément pertubateur: leur petit dernier, né par accident.
Lors d'un interwiew, Jean Teulé explique comment lui est venue l'idée: "En faisant des recherches sur Rimbaud et Verlaine, je lisais beaucoup de choses sur la poésie de la fin du XIXe siècle et j'ai vu qu'on les rangeait parmi les poètes décadents. Parmi eux, il y avait une bande de jeunes étudiants qui avaient monté un groupe de poètes et se nommaient les Désenchantés. Ils avaient écrit une oeuvre qui avait pour titre 'Le Magasin des suicides'. A chaque fois que je passais dessus, je me disais que ce titre était vraiment accrocheur : le magasin des suicides.... A partir de cette expression, on a l'impression que tout le reste vient. Et c'est ce que j'ai fait, j'ai essayé d'écrire quelque chose. "
Ce livre est à hurler de rire, particulièrement au départ quand l'écrivain plante le décor. La famille Tuvache (rien que le nom annonce la couleur) possède depuis plusieurs générations un magasin où tous les ingrédients d'un suicide réussi sont proposés. "Vous avez raté votre vie, avec nous, vous réussirez votre mort", tel est le slogan des Tuvache, d'ailleurs: "On ne dit pas au revoir aux clients qui sortent [de chez nous]. On leur dit adieu puisqu'ils ne reviendront jamais". Dans leur boutique, ils proposent des moyens traditionnels (corde, pistolet,poison...) et d'autres beaucoup plus atypiques: la panoplie du Hara Kiri amélioré, le Death kiss, la pomme empoisonnée que l'on peint avant de manger comme Turing qui s'est suicidé en avalant une pomme trempée dans le cyanure qu'il avait, au préalable, représenté en peinture.
Mon passage préféré:
Un client qui a opté pour le suicide Seppuku (Hara Kiri amélioré, ndlr) trouve le prix élevé et demande si on peut payer à crédit. Réponse de M. Tuvache: "Vous plaisantez, pourquoi pas une carte de fidélité"
La vie s'écoulerait lentement (...) s'ils n'avaient pas trois enfants: Vincent anorexique dépressif, qui souffre de troubles de comportement et rêve d'un parc d'attraction où l'on viendrait se suicider. C'est la fierté de ses parents, l'artiste de la famille. Vient ensuite Marylin qui se sent laide et inutile. Comme Vincent, elle porte le nom d'un célèbre suicidée, Marylin Monroe ndlr, mais à la différence de l'actrice, elle est complètement avachie et molle.
Enfin, le petit dernier Allan va venir foutre une pagaille monstre. Il est né par accident quand le couple Tuvache a voulu testé les préservatifs percés de leur fournisseur officiel M'en fous la mort. Nouvelle façon de se suicider, ces capotes transmettent MST mais dans le cas des Tuvache, c'est le petit dernier qui a pointé le bout de son nez (...) Déjà bébé, il souriait, au grand dam de ses parents qui prétextaient un rictus dû a une colique car rien de pire, selon eux, que d'avoir un gosse heureux(...). Il deviendra rapidement la honte de la famille et des dizaines de générations qui les ont précédé à la tête du magasin. Le problème c'est qu'en grandissant, le "cas Allan" ne s'est pas arrangé, ç'est même allé de mal en pis.
Ce môme c'est l'incarnation de la joie de vivre. Quand on lui demande qui sont les suicidés il répond les habitants de la Suisse. Il désepère ses parents et provoque la faillite de leur magasin- du moins dans sa forme initiale. Au fur et à mesure, il va transformer la vie des uns et des autres, il va saboter les suicides et donner de la joie de vivre autour de lui. Sa mission est accomplie à a fin, quand il aura réussi à transformer les siens.
Lire ce livre a été un pur moment de bonheur et il m'arrivera probablement de le relire dans des temps futurs. C'est vraiment un chef d'oeuvre et le message que l'écrivain a balancé à travers les lignes est tout simplement sublime, c'est pour ça qu'aujourd'hui, je vous le recommande vivement!!!
Je résumerai ce roman avec une formule paradoxale: "Découvrez que la vie est belle avec le Magasin des Suicides!"