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L'histoire d'une vie parmi tant d'autres...
21 juin 2007

Ne passez pas à côté du prochain événement musical hors des sentiers battus

tps_des_gitans

S’il y a bien un événement à ne pas louper dans les semaines à venir, c’est le premier opéra punk d’Emir Kusturica, cinéaste serbe reconnu.

L’opéra déjanté s’inspire de son film de 1989 : le temps des gitans qui, à l’époque, avait déjà raflé les meilleures critiques du monde du 7ème Art.

Cet opéra retrace l’histoire d’un petit bâtard, prénommé Perhan et né d’une union malheureuse entre un soldat slovène et une belle tzigane. Le jeune homme part en Italie, travailler pour un trafiquant d’enfants et ainsi rentrer au pays, riche et épanoui ; mais cela ne se passera pas comme prévu et l’aspect dramatique de l’histoire l’emportera sur les rêves de réussite et de grandeur.

C’est un événement de taille pour l’Opéra Bastille car le spectacle  baroque et particulièrement original s’annonce d’ores et déjà avant-gardiste. Le réalisateur cumule pour l’occasion les casquettes de metteur en scène, co-auteur et compositeur. Mieux, il revêtira dès le 26 juin, son costume de musicien . Car dans la fosse, c’est The Garbage Serbian Philarmonia -orchestre classique- et le No Smoking Orchestra- son groupe punk rock-  qui se partageront la vedette.

Punk Opéra

En langue tzigane

Texte de Nenad Jankovic d’après le scénario de Gordan Mihic et Emir Kusturica

Opéra Bastille du 26 juin au 15 juillet inclus

NB : la séance du 14 juillet sera gratuite et l’entrée libre.

Emir Kusturica est passionné de cinéma depuis son plus jeune âge. Déjà gamin, il faisait des petits boulots pour le cinéma de quartier de Sarajevo et ainsi assister aux projections de films. Sa tante habitant à Prague, le jeune homme y fut envoyé pour suivre les cours de l’académie du cinéma (la FAMU) dont il sorti reconnu et avec les honneurs. Ses professeurs voyaient en lui un élève prometteur et ils ne s’y sont pas trompés. L’homme fait aujourd’hui partie du gratin des meilleurs cinéastes internationaux.

Pendant ses jeunes années, le serbe absorbera tous les classiques du cinéma russe, tchèque, français, italien et américain… Il n’y manquera pas d’y faire des allusions dans ses œuvres car c’est bien là la trame de fond de son travail.

En 1978, il réalisera son court-métrage de fin d’études. Guernica (même titre que le tableau de Picasso) est un film douloureux et faussement naïf sur l’antisémitisme vu par un petit garçon. Ce film obtiendra le 1er Prix du cinéma étudiant du Festival International du film de Karlovy Vary. Le sujet et l’angle de point de vue annoncent la couleur. Kusturica sera un cinéaste engagé, investi et d’un nouveau genre qui se veut résolument anti-conformiste.

Avec ce premier trophée et la reconnaissance de ses pairs, le jeune homme rentrera à Sarajevo où il y obtiendra un contrat avec la télévision.

L’année d’après, il réalisera un film sur l’inceste (Les jeunes mariés arrivent) qui dérangera, lui aussi, par la forme et le fond. Le film sera même interdit de diffusion dans un pays encore sous la coupelle d’un politiquement correct que le cinéaste rejette en bloc.

La même année, il réalisera son premier long métrage (Te souviens-tu de Dolly Bell ?) en coopération avec le poète bosniaque Abdulah Sidran. Film semi-autobiographique, ils y raconteront la difficulté pour un groupe d’enfants de survivre dans la banlieue de Sarajevo des années 60 . Ils raconteront comment ces gamins ont du se confronter au rêve occidental sous une dictature communiste sévère (celle de Tito). C’est le monde qui découvrira alors son talent. Victoire du Lion à la Mostra de Venise et le prix de la critique du festival du film international de Sao Paulo.

Kusturica travaillera alors sur son deuxième film (Papa est en voyage d’affaires). Même scénariste (Abdulah Sidran)… on ne change pas une équipe qui gagne. Le but était alors de réaliser une trilogie sur sa ville natale (Sarajevo). Le troisième volet ne verra pas le jour mais ce second long métrage témoignera de la douleur des familles séparées par le régime Tito. Là encore, il recevra les honneurs de ses pairs en obtenant la Palme d’Or au Festival de Cannes de 1985.

Il sera propulsé aux sommets et aussi étrange que cela puisse paraître, c’est là qu’il ouvrira un deuxième volet de sa carrière en intégrant le groupe de musique de ses amis, les Zabranjeno Pušenje. Pour se vider la tête dira t-il, et évacuer la pression. Une chose est sûre, à 31 ans cet homme a la tête sur les épaules. Il fréquentera ainsi la scène musicale tout en se confrontant au plus grand chanteur de rock national (Goran Bregovic’)

La Palme d’Or obtenue lui ouvrera toutes les portes et notamment celle des producteurs internationaux. Columbia s’intéressera à lui et Kusturica se verra proposer un contrat mirobolant. Il optera pour un fait divers somme toute assez banal : la vie douloureuse (et en partie authentique) d’un jeune gitan avec toutes les désillusions que cela comporte. Le film sortira en 1989 et s’intitulera : le temps des gitans ! Ca vous dit quelque chose ? normal c’est le film dont est tiré l’opéra punk dont je vous parle plus haut !

Il enseignera un temps à la très prestigieuse Columbia University où l’un de ses élèves (David Atkins, quand même) lui proposera un scénario qui deviendra Arizona Dream. Un film sur le rêve américain, dont le début du conflit yougoslave, rendra encore plus poignant. Kusturica arrêtera plusieurs fois le tournage pour retourner au pays et aider ses parents qu’il fera finalement déménager au Montenegro. Cette impuissance face aux conflits politiques destructeurs le marqueront au fer rouge. Le film achevé, il remportera l’Ours d’Argent au Festival de Berlin en 1993.

Choqué par la façon dont les médias traitent le conflit, il décide d’apporter au monde sa vision personnelle dans le bouleversant film Underground. Réalisé à Prague en studio et à Belgrade en pleine guerre pour les scènes extérieures, ce long métrage obtiendra la Palme d’Or au Festival de Cannes 1995 mais déchaînera des tempêtes médiatiques. Un journaliste du Monde intitulera un violent article sur le sujet : L’imposture. Kusturica choqué (le journaliste n’aurait même pas vu le film) répondra par un article intitulé : Mon imposture.

La polémique enflera et ses projets de carrière seront mis un temps entre parenthèses.

Pour décompresser en quelque sorte, il réalisera Chat noir, chat blanc en 98. Humour et musique contrastant ainsi avec la terrible réalité politique.

Il reviendra également à la musique en enchaînant une tournée mondiale avec son groupe désormais rebaptisée No Smocking Orchestra mais comme toujours avec lui, musique et cinéma sont liés, il réalisera un documentaire sur cette gigantesque tournée (Super 8 Stories en 2001)

Retour au thème de la guerre en 2004 avec une transposition de Roméo Juliette dans les Balkans (La vie est un miracle)Une nouvelle fois, il prouvera qu’il est un artiste hors du commun car il construira, pour les besoins de son film, un village traditionnel en bois (village appelé Küstendorf) dont il s’auto proclamera maire de la commune. Village également érigé en place de l’altermondialisme et du tourisme écolo. Ouvert au public, ce Dorf fut aussi le lieu de séminaire de cinéma de jeunes étudiants courant 2005. Son anticonformisme et son originalité seront une nouvelle fois récompensés, il obtiendra le Prix d’architecture européenne pour la reconstruction d’une ville.

Dernièrement un documentaire sur Maradona a été réalisé par le cinéaste serbe qui a une nouvelle fois ébloui la critique avec son dernier film présenté au 60ème festival de Cannes, ce printemps. Promets-moi est un drame qui nous replonge dans la campagne serbe, les traditions familiales, les rêves évanouis et les désillusions.

C’est un artiste hors catégorie, complet qui associe continuellement la musique au 7ème Art et qui se révèle être très engagé dans la réalisation de ses œuvres cinématographiques, que ça soit au niveau de la forme ou du contenu.

La preuve en est avec cet opéra punk qui allie langue tzigane, musique serbe et punk rock, le tout sur fond de drame culturel et politique malheureusement bien réel.

Site de Kusturica (en anglais)

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